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Dans une interview qu’il a accordée à Maliexpresse.net, ce jeudi 21 septembre 2017, le président du Mouvement pour le salut de l’Azawad (MSA), Moussa Ag Acharatoumane, a présenté un schéma peu reluisant de la mise en œuvre de l’accord pour la Paix et la Réconciliation. Du régime de sanctions à ses rapport avec ses anciens camarades de la CMA, en passant par le G5 et les accusations de l’armée malienne, monsieur Moussa se prononce. Entretien.
Maliexpress : Parlant de la paix et de la réconciliation, pouvez –vous nous faire un schéma sur le processus de paix ?
Moussa : La plupart des observateurs et ceux qui s’intéressent à la crise, de la signature de l’accord jusqu’à aujourd’hui, diront que le processus n’a pas connu une grande avancée pour des raisons multiples, souvent dues à des problèmes entre les acteurs mêmes qui ont signé l’accord, à des difficultés qui sont imposées par des acteurs qui ne sont pas malheureusement dans le processus de paix. Mais aussi à beaucoup d’agendas qui se présentent dans cette crise, qui n’ont pas forcement la même lecture, la même vision et les mêmes solutions pour les problèmes que les Maliens connaissent aujourd’hui.
Tout cela explique le retard que connaît l’accord depuis sa signature jusqu’aujourd’hui. Nous sommes à deux ans, rares sont les problèmes qui ont été résolus, hormis les autorités intérimaires qui ont été symboliquement mises en place dans les cinq régions, mais qui ne sont fonctionnelles que dans deux régions, Ménaka et Tombouctou. Dans la région de Gao, elles peinent à être mises en œuvre, quant à Kidal, elles ne sont mêmes pas fonctionnelles.
Il y a aussi le MOC qui n’arrive pas à retrouver ses marques et à donner satisfaction par rapport à tous les espoirs qu’il a suscités.
Après deux ans de la signature de l’Accord, les résultats ne sont pas là et les populations attendent toujours.
Maliexpress : Selon vous, quelle devrait être l’urgence au niveau de l’application de l’accord ?
Moussa : Je pense que l’urgence, c’est d’abord que les acteurs, la CMA, la Plate-forme et le gouvernement, se donnent la main, qu’ils soient de bonne foi dans le cadre de la mise en œuvre de l’accord. Car, tant qu’ils ne s’entendent pas, ne se concertent pas et ne font pas les choses ensemble, rien n’avancera. La plupart des couacs et des retards sont dus à cette contradiction et ce manque de synergie entre les trois acteurs.
La communauté internationale et la médiation internationale sont des acteurs qui sont là pour nous aider, nous conseiller, nous orienter et nous appuyer. Mais la mise en œuvre de l’accord même revient au gouvernement malien et aux mouvements armés signataires… L’urgence est que ces trois acteurs se mettent ensemble.
Ensuite, il faut essayer de poser des actes concrets sur le terrain. Les autorités intérimaires pour lesquelles il y a eu tant de bruits ont été mis en place, mais ne sont fonctionnelle dans la plus part des régions et même la où c’est fonctionnels elles peinent de retrouver leur marques. Il en est de même pour le MOC…
Maliexpress : La CMA et la Plateforme ont signé une entente mettant fin aux hostilités, assortie d’un cessez-le-feu. Peut-on considérer que le problème CMA – Gatia est définitivement résolu ?
Moussa : Je me réjouis de cet accord qui a été retrouvé hier soir (mercredi 20 septembre 2017), car les signataires ont même changé. Peut-être que c’est un signe d’une nouvelle marche, d’une nouvelle dynamique qui va peut-être s’installer entre les acteurs. On ose quand même espérer. Je tiens à préciser qu’on n’est pas là, à un premier accord ni à un deuxième avec ces acteurs. Le défi maintenant est que les uns et les autres soient de bonne foi et qu’ils tiennent les engagements qu’ils ont pris hier soir.
Maliexpress : Tout récemment Human Right Watch a publié un document accusant l’armée malienne d’exactions extrajudiciaires sur les populations du Nord. Quel est votre point de vue sur ce document ?
Moussa : Effectivement, moi-même j’ai pris connaissance de ce rapport. Human Right Watch est une ONG internationale très écoutée et très lue. Ses rapports, généralement, sont pris en compte par les plus grandes instances internationales.
Il y a ce rapport qui accable les militaires maliens. Durant cette crise, tout le monde a vu que certains parmi eux ont commis des bavures contre nos populations. On a connaissance de cératines victimes qui en ont été victimes. Je pense qu’il Il y a d’autres rapports qui vont revenir, car même la MINUSMA a mené une enquête vers Anefis, dans laquelle elle a fait ressortir un certain nombre d’allégations commises par le groupes armés. Les responsabilités de ces bavures sont largement partagées.
Maliexpress : Partagées, oui, mais est-ce que vous pensez qu’aujourd’hui, il est question de passer par des actions judiciaires ?
Moussa : Tout dépendra de comment cette réconciliation qui va se faire entre tous les Maliens. Moi, je pense que la justice doit s’exercer et on doit en faire un exemple. Une société sans justice est société sans paix. On ne doit pas laisser les responsables des atrocités dans la nature alors qu’ils ont tué des innocents. Ils doivent répondre de leurs actes.
C’est comme ça que tout Etat normal, toute société bien organisée fonctionne.
Maliexpress : Cela veut dire donc qu’au niveau des groupes armés, vous êtes disposés à collaborer dans le cadre des actions judiciaires ?
Moussa : Entièrement. Tant qu’on ne va pas faire cette ouverture et aider la justice à faire son travail, on n’aura pas ce que nous cherchons, cette justice pour nos populations. Cette justice ne peut se faire par impunité, mais elle ne peut se faire que dans le cadre où tous ceux qui ont posé des actes injustifiables soient poursuivis. On est entièrement disposé à collaborer avec les instances nationales et internationales pour faire la lumière sur tout ce qui s’est passé.
Maliexpress : Que pensez-vous du régime de sanctions voté par les Nations Unies ?
Moussa : C’est une très bonne chose, on ne peut que s’en réjouir. C’est presque qu’un régime de dissuasion pour dire aux acteurs que désormais toute personne qui va commettre une faute sera sanctionnée. Mais la forme n’y est pas. Ce sont de gens qui, pour la plus part, ne voyagent pas, n’ont pas de compte bancaire. La situation au Mali est différente de ce qui s’est passé en Côte d’Ivoire, au Congo. L’idée est bonne mais il faudrait que les Nations Unies repensent le régime de sanctions et l’adapter aux réalités locales que nous vivons. Parce que ces sanctions sont en contradiction avec nos réalités locales.
En grosso-modo, l’idée est bonne, mais sa mise en œuvre doit être repensée.
Maliexpress : Que pensez –vous du G5 Sahel ?
Moussa : Le G5 sahel, c’est un peu comme Barkhane. La plupart des acteurs, autant maliens qu’internationaux, voient en réalité Barkhane comme une force qui se promène dans un grand espace sans grands résultats. Tout le monde l’exprime aujourd’hui. Le G5 Sahel une bonne idée, il doit faire plus car c’est une force qui a plus de moyens et de capacités. Mais des questions se posent et le doute est total. Ce sont les Etats de la sous régions qui vont prendre leur responsabilité et leur destin en main. En tout cas, nous attendons impatiemment et souhaitons que ça soit un plus et pas un moins.
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